©Alexis Courcoux
La guerre des nerfs se poursuit sur l’Atlantique ce dimanche matin. Après deux semaines de mer, le trio de tête – Skipper MACIF (Loïs Berrehar/Charlotte Yven, 1er), Mutuelle Bleue (Corentin Horeau/Pauline Courtois, 2e à 1,2 mille du leader au classement de 14h00) et Région Bretagne – CMB Performance (Gaston Morvan/Anne-Claire Le Berre, 3e à 3,4 milles du leader) – se tenait en moins de 4 milles à la mi-journée. Les trois duos progressent à une vitesse moyenne quasi similaire au nord de l’orthodromie. Derrière, Région Normandie (Guillaume Pirouelle/Sophie Faguet, 4e à 36,7 milles), légèrement plus au sud, ne relâche pas d’efforts pour tenter de recoller au peloton de tête.
Si l’arrivée prévue vendredi prochain est déjà dans toutes les têtes, la route est encore longue jusqu’à Saint-Barthélemy sachant qu’il restait 924,3 milles à parcourir au leader au pointage de 14h00. Si le trio de tête semble se diriger tout droit vers un podium sur cette 16e édition de la Transat Paprec, rien n’est encore acquis, surtout que derrière, Région Normandie fait tout pour essayer de revenir sur les leaders. « On essaie de faire quelques petits coups. On a notamment jibé (empanné) avant les autres en espérant avoir un peu plus de vent qu’eux. Sur les fichiers GRIB*, c’est ce que l’on voyait un peu, mais finalement ça ne s’est pas avéré être exact parce que par-dessous, ils avaient plutôt des meilleurs pointages que nous », expliquait Guillaume Pirouelle à la vacation de ce matin. « En gros, il y a deux façons de voir les choses : soit on joue la pression en espérant avoir plus de vent, soit on joue les bascules de vent. L’idée, c’est de jouer un peu les bascules en espérant que ceux qui sont devant tombent un peu dans les molles. Ça serait bien que ça ralentisse un peu devant pour que l’on puisse revenir un peu ! On essaie de mettre toutes les chances de notre côté pour avancer le plus vite possible. On tente de rattraper ceux qui sont devant mais on fait aussi attention à ceux qui sont derrière pour qu’ils ne reviennent pas trop. Il y a un peu d’écart mais ça peut aller vite donc on surveille tout ça. On aimerait bien monter sur le podium mais on aimerait bien aussi pas faire pire que 4 ».
Il y a également du match à l’arrière de la flotte, notamment entre Groupe Hélios – Du Léman à l’océan (Arnaud Machado/Lucie Quéruel), 11e à 359,9 milles du leader et Race for Science – Verder (Alicia de Pfyffer/Edouard Golbery), 10e à 280,5 milles. « On barre tout le temps. On ne met jamais le pilote pour essayer de prendre tous les surfs et d’avoir une vitesse moyenne la plus élevée possible. On se relaie pas mal avec Lulu (Lucie Quéruel). Niveau option, c’est compliqué de faire différemment des autres. On aimerait bien qu’il y en ait une vraiment tranchée pour pouvoir jouer le truc mais malheureusement, ce n’est pas le cas, confiait de son côté Arnaud Machado à la vacation du jour. Il n’y a pas grand-chose à jouer avec le nombre de milles qui nous sépare des autres mais on essaie de faire ce que l’on peut. On ne va rien lâcher pour aller chercher la 10e place, mais plus les jours passent et plus c’est dur. C’est compliqué mentalement de se dire qu’il faut se lever toutes les heures, ne pas dormir tout ça pourquoi ? Pour être dernier. On essaie de ne pas trop y penser. La nuit, je me dis qu’Edouard est à côté de moi et je fais tout pour le passer. Heureusement qu’il est là d’ailleurs ! »
Une gestion des grains cruciale
Alors que la flotte progresse toujours dans un flux d’alizé assez stable et qu’il n’y a pas de gros coup à jouer, la fin de la Transat Paprec prend des airs de course de vitesse, mais pas seulement. « Ça va être compliqué pour ceux qui sont derrière de revenir, mais ils vont arriver dans une zone où il commence à y avoir pas mal de grains assez actifs au petit matin. Cela peut créer rapidement des différences de vent assez importantes. Il peut y avoir 50 degrés de rotation et 15 nœuds de plus ou de moins », analyse Martin Le Pape, forfait sur la course sur blessure de son binôme, Elodie Bonafous. « Sur la dernière édition, on avait pris 20 milles à cause d’un grain. Les gars devant étaient partis avec, et nous, on était resté collés derrière. Le problème, c’est qu’ils sont imprévisibles et que tu subis. Tu ne peux pas faire grand-chose, mais ça crée des écarts au sein de la flotte ». Impossible donc à ce stade de la course de savoir qui va l’emporter à Saint-Barthélemy. «Tout dépendra de la suite des évènements et de la vitesse. Ils vont devoir gérer la vitesse du bateau et les variations de vent, et caler les empannages au moment. Tu peux perdre ou tout gagner à cause d’un grain. Il va falloir être opportuniste », poursuit-il.
Tenir le rythme et garder son sang froid
Selon Martin Le Pape, la gestion du rythme pourrait elle aussi être déterminante sur l’issue de la course. « Il reste encore cinq jours et tout le monde commence à être un peu fatigué surtout que l’alizé est monotone. C’est toujours un peu la même chose : tu barres, ça n’avance pas très vite et il fait chaud. Parfois, on a du mal à garder la niaque pour faire avancer le bateau coûte que coûte. Le temps est long mais il faut continuer de se battre et ne rien lâcher jusqu’à l’arrivée. Et ne pas perdre la tête car tu peux vite t’énerver dans les grains. Et plus tu approches de la terre, plus il y a de grains. Vu les écarts qu’il y a, la victoire pourrait se jouer dans les derniers milles, dans la baie de Gustavia. Pour espérer gagner, il faut être à tout prix dans le paquet de tête. C’est hyper intéressant de voir que les bateaux sont aussi proches alors qu’ils sont au milieu de l’Atlantique. La fin de course va être passionnante à suivre », annonce-t-il.
On l’aura compris, il faudra attendre vendredi prochain pour savoir quel duo mixte aura réussi le mieux à sortir son épingle du jeu !
*GRIB : le format GRIB est un type de fichier utilisé pour le stockage et la transmission de données météorologiques sur des points de grilles.