La fièvre du samedi soir
- Antoine Grenapin
- il y a 6 heures
- 4 min de lecture
LA SIXIÈME NUIT. Les concurrents de la Transat Paprec n’ont qu’un objectif : se placer de la meilleure des manières pour aborder le point de passage de La Palma. Sauf que rien n’est facile. Le vent instable a scindé la flotte en deux ces dernières heures et repousse l’arrivée à La Palma qui ne devrait pas avoir lieu avant la nuit prochaine. L’incertitude entoure aussi la suite avec des alizés peu établis qui empêchent d'adopter une stratégie claire. Le point sur la situation alors que DMG Mori Academy (Laure Galley et Kévin Bloch), Décrochons la lune (Romain Bouillard et Irina Gracheva) et Hellowork (Davy Beaudart et Julie Simon) mènent le classement ce samedi matin.

C’est le « Saturday night fever », le moment le plus attendu de la semaine et pour une fois, les marins rejoignent les terriens. Car pour se laisser emporter par la fièvre du samedi soir à la Transat Paprec, il faut savoir jouer des coudes et faire preuve de malice. L’enjeu : assurer le contournement de La Palma, point de passage clé de la course avant de bifurquer vers l’Ouest et de faire enfin route vers la chaleur de Saint-Barthélemy.
Deux options bien distinctes
L’heure est donc loin d’être à la fête. Ça bosse, ça charbonne et ça donne tout. Et ce, dans une « mer un peu dégueulasse » avec 14 à 15 nœuds de vent, dixit Chloé Le Bars (FAUN). Pour tous, la course s’est transformée en numéro d’équilibriste, un jeu de placement tout au long de la journée d’hier pour bien se positionner en contournant Madère par l’Est. Le positionnement du moment est primordial : il implique aussi le choix pour la suite et la façon d’aborder La Palma.
Ça se constate de façon flagrante puisque la flotte s’est scindée en deux ces dernières heures. D’un côté, un groupe mené par Demain (Martin Le Pape et Mathilde Géron) et Wings of the Ocean (Alexis Thomas et Pauline Courtois) qui file vers l’Ouest en longeant Deserta Grande, une île inhabitée à proximité de Madère. À une quarantaine de milles en latéral se trouvent les partisans d’une route plus Est avec DMG Mori Academy (Laure Galley et Kévin Bloch), Décrochons la lune (Romain Bouillard et Irina Gracheva) et Hellowork (Davy Beaudart et Julie Simon).
Et les écarts se resserrent encore
Francis Le Goff, le directeur de course, tente de vulgariser la situation : « le jeu s’est rouvert à cause d’un vent qui n’est pas aussi soutenu qu’attendu et qui est très instable. Pour l’instant, il est plus régulier pour les partisans du Sud qui en profitent plus et ont une trajectoire plus nette. Pour ceux qui sont à l'Ouest, l’instabilité est plus marquée ». Pour ces derniers justement, il y a donc de petites oscillations et l’obligation d’enchaîner les empannages, de loffer, d’abattre, de tricoter. Conséquence : les écarts se sont resserrés puisque les sept premiers se tiennent en moins de 10 milles.
Après cette bataille d’empannages, tous devraient se retrouver pour faire une route plus directe vers La Palma. « Ils pourraient tous être très proches dans les heures à venir », précise Francis. En revanche, l’arrivée à La Palma, longtemps attendu ce samedi après-midi ou ce soir, devrait avoir lieu plus tard. « Sans doute en deuxième partie de nuit » entre samedi et dimanche, les skippers étant en retard sur les routages.
L’incertitude demeure également sur la façon de contourner La Palma. Les alizés n’étant pas franchement établis, aucune option claire ne se dégage pour les prochains jours. Les skippers vont-ils opter pour la trajectoire la plus directe possible en se rapprochant au maximum du « way point » ? Certains vont-ils tenter un décalage entre les îles des Canaries ? Une certitude : le suspense devrait continuer d’être total une grande partie du weekend !
LE COIN DES SKIPPERS
Dans les nouvelles du bord envoyées par les skippers, ils ont été nombreux à se retrousser les manches. Jules Ducelier et Sophie Faguet (Région Normandie) ont dû installer un spi de spare à cause d’un accroc en haut du spi. Thomas de Dinechin et Aglaé Ribon, eux, se sont activés à bord d’Almond for Pure Ocean pour « patcher » un trou sur leur leur grand-voile. De façon un peu plus légère, Adrien Simon (FAUN) a tranquillement siroté un café avant de prendre son quart. Irina Gracheva (Décrochons la lune) a fait visiter le Figaro 3 où « toutes les affaires sont mouillées » et Catherine Hunt (Selencia-Seafrance) a fait le point sur la course. Ellie Driver (Women's Engineering Society) s’est filmée en pleine préparation de repas tout comme Pauline Courtois (Wings of the Oceans).
Davy Beaudart a fait une vidéo de dauphins sautant dans le sillage d’Hellowork alors que Julie Simon était à la barre. Anaëlle Pattuch et Hugo Cardon (Humains en action) ont recueilli un petit calamar alors que Jules Ducelier et Sophie Faguet (Région Normandie), eux, ont accueilli un oiseau à bord. Ils sont aussi les auteurs d’une des réflexions les plus drôles depuis le début de la course : « nous nous sommes rendus compte que nous avions les mêmes hallucinations auditives... Soit on entend l'alarme quand elle ne sonne pas, soit on entend l'autre qui ne nous parle pas ». Et elle conclut : « ça donne quelques dialogues de sourds assez comiques. Et ça anime un peu la nuit de celui qui est sur le pont en quart ! »